Obama lève l’embargo sur les ventes d’armes au Viet-Nam
24 mai 2016 | Jérôme Cartillier – Agence France-Presse à Hanoï | États-Unis
Photo: Hoang Dinh Nam / Pool / Agence France-Presse Le président américain, Barack Obama, et son homologue vietnamien, Tran Dai Quang
Le président des États-Unis Barack Obama a annoncé lundi la levée de l’embargo sur les ventes d’armes américaines à Hanoï, l’un des derniers vestiges de la guerre du Vietnam qui s’est achevée en 1975.
Après la levée de l’embargo économique en 1994, puis la normalisation des relations diplomatiques un an plus tard, cette décision à forte dimension symbolique est aussi un signal adressé à Pékin, dont la posture offensive en mer de Chine méridionale attise les tensions.
« Les États-Unis lèvent complètement l’interdiction de vente d’équipements militaires au Vietnam », a assuré le président américain lors d’une conférence de presse au côté de son homologue vietnamien Tran Dai Quang. « Cela montre que les relations entre nos deux pays sont pleinement normalisées », a jugé ce dernier.
Droits de la personne
Au premier jour de sa visite à Hanoï, M. Obama a dit avoir été « touché » de voir les milliers de personnes massées sur le bord de la route, téléphones intelligents en main.
Le président américain est resté relativement évasif sur les droits de la personne, se bornant à rappeler les« différences » existant entre Washington et Hanoï, et jugeant que « des progrès modestes » avaient été enregistrés. Le Vietnam « n’a rien changé pour ce qui est de ses positions fondamentales sur les droits de la personne », a déploré le blogger Huynh Ngoc Chenh, tout en se disant satisfait que l’embargo ait été levé. État à parti, le Vietnam musèle toute contestation, interdit les syndicats indépendants et contrôle les médias locaux.
« Le président Obama a abandonné le seul élément qui restait aux États-Unis pour faire pression sur ce pays en matière de droits de la personne », a de son côté déploré Phil Robertson de l’organisation Human Rights Watch. « Il a tout simplement donné au Vietnam une récompense qu’il ne méritait pas », a-t-il ajouté.
« Il existe toujours une certaine méfiance [vis-à-vis de Washington] au sein de l’élite vietnamienne, mais l’affirmation croissante de Pékin en mer de Chine méridionale a vraiment fait évoluer les mentalités et poussé à un rapprochement plus rapide avec les États-Unis », souligne Murray Hiebert, analyste au Center for Strategic and International Studies.
Au-delà de ce dossier emblématique, M. Obama a mis dès le premier jour cette visite à profit pour renforcer les liens économiques avec ce pays de 90 millions d’habitants en pleine croissance. Il a souligné que les États-Unis comme le Vietnam avaient tout à gagner de l’accord de libre-échange transpacifique (TPP), scellé entre 12 pays, dont il espère la ratification avant son départ début 2017. « Je reste confiant car il s’agit de la bonne chose à faire », a-t-il martelé, évoquant les difficultés qu’il rencontre au Congrès sur ce dossier.
En marge de cette visite, la compagnie aérienne Vietjet a annoncé l’achat de 100 Boeing 737 MAX 200 pour un montant de 11,3 milliards de dollars.
Dans la foisonnante capitale vietnamienne, cette première visite de M. Obama — la troisième d’un président américain depuis la fin de la guerre en 1975 — suscitait un réel enthousiasme.
« J’ai entendu beaucoup de choses le concernant et j’admire ce qu’il a fait, il est un peu comme notre Oncle Ho ! »lançait en riant Thuy Tien, jeune femme de 19 ans, en référence à Ho Chi Minh, fondateur du Parti communiste vietnamien (PCV), dont le corps embaumé est exposé dans un mausolée.
Si la Chine est — de loin — le premier partenaire commercial du Vietnam, la défiance vis-à-vis du géant de la région est profondément ancrée dans ce pays d’Asie du Sud-Est.
À l’inverse, l’image de l’Amérique n’a jamais été aussi bonne. Selon une étude réalisée l’an dernier par le Pew Research Centre, 78 % des Vietnamiens ont une opinion favorable des États-Unis, et ce chiffre est encore plus élevé parmi les jeunes.
Hoang Bao Khanh, coiffeur de 61 ans, a fièrement affiché une photo du président américain à l’extérieur de sa boutique, dans le centre de Hanoï.
« Lorsqu’il a pris ses fonctions après sa première élection, plusieurs clients m’ont dit que je lui ressemblais. Et, à vrai dire, je trouve aussi qu’il y a quelque chose ! » raconte le sexagénaire qui rêve de rencontrer son « sosie »américain.
M. Obama est attendu mardi après-midi à Hô-Chi-Minh-Ville (ex-Saïgon), où il doit notamment rencontrer des jeunes Vietnamiens.